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Mademoiselle Liberté d'Alexandre Jardin

 


Liberté a dix-huit ans. Elle refuse ce que la plupart des hommes tolèrent : un amour imparfait, sans folie.


Horace, le proviseur de son lycée, sait lui aussi vivre la vie : ce furieux ne se repose que dans l'excès. Marié à une épouse professionnelle, il rêve de foncer dans un destin superlatif.

Liberté décide de chercher avec lui la perfection : elle ne se contentera pas d'un brouillon de liaison, elle exigera la passion intégrale, portée à son comble, fignolée jusqu'au délire.

Ces deux forcenés tenteront un amour idéal. Ils désirent un chef-d'œuvre sinon rien.


L'originalité de l'histoire (sur la forme, pas le fond, puisque l'histoire est somme toute banale) et le style d'écriture sont des qualités certaines, mais qui malheureusement n'ont pas suffit à me faire apprécier ce livre. Peut-être trop irréelle comme histoire? Même si j'ai aimé le concept, ce désir « d'amour parfait sinon rien », ces personnages un peu déjantés, je n'ai pas réussi a mis être attacher. L'ennui a pris le dessus.

L'anomalie d'Hervé Tellier


 "Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l’intelligence, et même le génie, c’est l’incompréhension."

En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d’hommes et de femmes, tous passagers d’un vol Paris - New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte.
Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n’imaginait à quel point c’était vrai.

Roman virtuose où la logique rencontre le magique, 'L’Anomalie' explore cette part de nous-même qui nous échappe.


C'est un roman qui ne rentre dans aucune catégorie. Il est original, atypique, surprenant, sort complètement des cadres habituels. En cela, c'est une réussite. L'histoire, avec cette dizaine de personnages mis en scène qui n'ont en commun que d'avoir voyagé ensemble sur deux vols identiques à trois mois d'intervalle et qui devront affronter leur "double", est intéressante. Mais il m'a manqué quelque chose. J'aurais aimé que cela soit moins superficiel, que les personnages et leurs histoires soient plus fouillés, plus développés.

La grammaire est une chanson douce d'Erik Orsenna

 


«Elle était là, immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue : Je t'aime.

Trois mots maigres et pâles, si pâles. Les sept lettres ressortaient à peine sur la blancheur des draps.

Il me sembla qu'elle nous souriait, la petite phrase.

Il me sembla qu'elle nous parlait :

- Je suis un peu fatiguée. Il paraît que j'ai trop travaillé. Il faut que je me repose.

- Allons, allons, Je t'aime, lui répondit Monsieur Henri, je te connais. Depuis le temps que tu existes. Tu es solide. Quelques jours de repos et tu seras sur pied. Monsieur Henri était aussi bouleversé que moi.

Tout le monde dit et répète "Je t'aime". Il faut faire attention aux mots. Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement, les mots s'usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver.»
Peter Pan emmène Wendy et ses frères au Pays Imaginaire et Erik Orsenna , lui, emmène ses protagonistes sur l'île des Mots.
Il signe-là un joli conte d'enfants...pour adultes !
D'un coup, les mots et la grammaire prennent vie et ne sont plus de simples outils de communication !

Beaucoup de jolies trouvailles, comme les boutiques et les distributeurs de mots, ou encore les horloges du temps.

J'ai préféré la 2nde partie à la 1ère, où on est plus dans le vif du sujet. Et avec à la fin d'irrésistibles clins d'oeil à quelques grands écrivains français : Antoine de Saint ExupéryMarcel Proust et Jean de la Fontaine. Ces présentations permettent aussi de comparer les styles des auteurs (vers et prose, phrases longues et phrases courtes). Un vrai délice !

Et bien sûr je n'ai pas pu résister aux personnages des inspecteurs qui ne comprennent rien à l'enseignement et à la façon de transmettre aux enfants. le jargon jargonnant - qui s'évertue à couper les cheveux en quatre - est extrêmement réaliste et pointe quand même du doigt cet énorme décalage (bien problématique) qui existe - malheureusement - dans l'Education Nationale.

Une jolie découverte avec de belles illustrations pour le plus grand plaisir du lecteur!

Signé Under_The_Moon

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois

 


Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal, où il partage une cellule avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre. Fils d'un pasteur danois et d'une exploitante de cinéma à Toulouse, Paul Hansen vivait déjà au Canada quand s'est produit le drame.

À l'époque des faits, Hansen est superintendant à L'Excelsior, une résidence où il trouve à employer ses talents de concierge, de gardien, de factotum, et – plus encore – de réparateur des âmes et consolateur des affligés. Lorsqu'il n’est pas occupé à venir en aide aux habitants de L'Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne.
Aux commandes de son avion, Winona l'emmène en plein ciel, au-dessus des nuages.
Mais bientôt tout change. Un nouveau gérant arrive à L'Excelsior, des conflits éclatent. Et l'inévitable se produit. Une église ensablée dans les dunes d'une plage, une mine d'amiante à ciel ouvert et les méandres d’un fleuve couleur argent, les ondes sonores d'un orgue ou les traînées de condensation d'un aéroplane composent les paysages de ce roman.

Grosse déception que ce roman que j'ai trouvé ennuyeux et sans relief.
Même si l'écriture est soignée et le style élégant, tout est prévisible et ces incessants allers-retours entre le présent en prison et le passé de la vie du narrateur finissent par lasser.
Tout au long du livre, on imagine qu'un ressort va apparaître et faire rebondir le récit. Attente vaine, il ne se passe rien.
J'ai lu jusqu'au bout pour comprendre ce qui avait fait basculer le destin de cet ancien concierge d'un immeuble huppé, mais l'épilogue ne m'a nullement surpris.
Je suis resté en dehors de cette intrigue un peu simple et qui m'a semblé artificielle.

Cadres noirs de Pierre Lemaitre

 


Alain Delambre est un cadre de cinquante-sept ans anéanti par quatre années de chômage sans espoir.

Ancien DRH, il accepte des petits jobs démoralisants. À son sentiment de faillite personnelle s’ajoute bientôt l’humiliation de se faire botter le cul pour cinq cents euros par mois...
Aussi quand un employeur, divine surprise, accepte enfin d’étudier sa candidature, Alain Delambre est prêt à tout, à emprunter de l’argent, à se disqualifier aux yeux de sa femme, de ses filles et même à participer à l’ultime épreuve de recrutement : un jeu de rôle sous la forme d’une prise d’otages.
Alain Delambre s’engage corps et âme dans cette lutte pour regagner sa dignité.
S’il se rendait soudain compte que les dés sont pipés, sa fureur serait sans limite.
Et le jeu de rôle pourrait alors tourner au jeu de massacre.
J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans ce roman. Ca a été difficile pour moi d'assister au naufrage du personnage principal et aux mauvais choix qui ne font que l'enterrer d'avantage et entraine sa famille avec lui. Et puis, vient cette prise d'otage qui redistribue les cartes et jusqu'au bout, le suspens est présent. La question que nous nous posons jusqu'à la fin du roman, et ce que cela va tenir?

Les Catilinaires d'Amélie Nothomb

 


Émile, ancien professeur de latin et de grec, se retire avec sa femme Juliette dans une maison paradisiaque, éloignée de tout, avec la certitude d'y couler des jours heureux. Au bout d'une semaine d'éblouissements et de bonheur absolu, voici qu'on sonne à la porte de leur thébaïde : c'est Palamède Bernardin, leur unique voisin, qui va prendre l'habitude de s'imposer ainsi tous les jours, de quatre à six heures, sans dire un mot, ou presque. Cette présence muette, grossière et envahissante, va vite s'avérer plus dérangeante que les bavardages les plus intempestifs. Mais pour le couple, la descente aux enfers ne fait que commencer… Ce roman très noir, à l'humour tantôt mordant, tantôt dévastateur, démontre de façon impitoyable que le précepte antique "connais-toi toi-même" est toujours d'actualité. L'écriture elle-même garde des traces de cette ambivalence : sous des dehors lisses bouillonnent les perversions et les monstruosités insoupçonnées. Amélie Nothomb poursuit ici sa création d'un univers romanesque original, mis en place dès "Hygiène de l'assassin" et régulièrement enrichi depuis ("Péplum," "Attentat"…). Nathalie Gouiffès


C'est un roman décalé, rempli d'absurde et de grotesque. Il se lit vite (150p en livre de poche), on a envie de connaitre le dénouement, on reste captivé malgré l'ambiance oppressante.


M, le bord de l'abîme de Bernard Minier

 


Pourquoi Moïra, une jeune Française, se retrouve-t-elle à Hong Kong chez Ming, le géant chinois du numérique ?

Pourquoi, dès le premier soir, est-elle abordée par la police ?
Pourquoi le Centre, siège ultramoderne de Ming , cache-t-il tant de secrets ?
Pourquoi Moïra se sent-elle en permanence suivie et espionnée ?
Pourquoi les morts violentes se multiplient parmi les employés du Centre – assassinats, accidents, suicides ?

Alors qu’elle démarre à peine sa mission, Moïra acquiert la conviction que la vérité qui l’attend au bout de la nuit sera plus effroyable que le plus terrifiant des cauchemars.

Le thème abordé est un sujet d'actualité passionnant : l'intelligence artificielle. L'auteur nous plonge dans une ville chinoise avec brio, on se projette dans ce nouvel univers, mais l'intrigue tarde à venir, c'est lent et au fil des pages l'enquête peine à avancer. Je suis déçue du final.

Le Chardonneret de Donna Tartt

 
Theo Decker a 13 ans. Il vit les derniers instants de sa vie d'enfant. Survivant miraculeux d'une explosion gigantesque en plein New York, il se retrouve seul dans la ville, orphelin, et se réfugie chez les parents d'un ami pour échapper aux services sociaux. Tout ce qui lui reste de sa mère, c'est une toile de maître minuscule qui va l'entraîner dans les mondes souterrains et mystérieux de l'art.


Le premier volet de l'histoire de Théo est très plaisant, les frasques des deux ados les rendent bien attachants. Dommage que le contexte d'alcoolisation et de toxicomanie juvénile y soit rendu comme bénéfique pour les protagonistes.

Après, je me suis ennuyée sauf avec les personnages périphériques de la famille Barbour et Hobie, hauts en couleurs.
Pour moi, un roman trop long (817 pages) qui aurait gagné à s'arrêter aux deux-tiers.

Un peu plus loin sur la droite de Fred Vargas


Ex-flic, Louis Kehlweiler découvre par hasard un petit os humain dans un excrément de chien.

Il note les habitudes de chaque promeneur de chien du secteur tandis que Vandoosler, son jeune archiviste, épluche les journaux pour déceler la moindre mort suspecte.
Leurs recoupements finissent par les conduire à Port-Nicolas, village perdu de la côte du Finistère, où la vieille Marie a chuté d'une falaise deux semaines auparavant.
La gendarmerie avait conclu à l'accident mais Kehlweiler refuse de lâcher le morceau.
Pour imposer son point de vue, il doit se confronter aux élus et aux notables, ainsi qu'aux rumeurs et aux rancœurs de la bourgade.
Un défi comme aime les relever Kehlweiler, cet esprit indépendant qui n'a pas peur de plonger les deux mains dans la boue.
En plus d'une enquête superbement bâtie, l'histoire est soutenue par une écriture brillante et concise, parfois en forme de confession voilée, agrémentée de dialogues truculents et de personnages délicieux et savants. Un grand plaisir. Nicolas Mesplède.


J'aime toujours autant l'écriture de Fred Vargas, c'est rythmé, incisif, vivant. Ce n'est pas la meilleure intrigue qu'elle est pu écrire, à mon avis, mais j'ai beaucoup aimé l'histoire dans l'histoire...

Confidences à Allah de Saphia Azzeddine

A qui parler quand on est pauvre, perdue, rejetée de sa famille ? Jbara, petite bergère des montagnes du Maghreb, parle à Allah. Il est, dans un monde qui ne voulait pas d'elle, son seul confident. Elle lui raconte sa vie, la misère, le mépris, son père ignorant et brutal qui la traite en servante, les hommes qui la traitent en objet, la découverte progressive du pouvoir de la beauté, la prostitution, la prison, le désir d'ailleurs : une vie semblable à tant de vies de femmes, aujourd'hui. Monologue fiévreux, porté par une rage irrépressible, que la verve et l'humour rendent encore plus acérée, Confidences à Allah est un témoignage direct, cru, sur l'oppression des femmes, mais aussi, et d'abord, le portrait d'une jeune fille résolue à exister par elle-même, et qui ne se soumettra pas.

Ce livre est un cri de révolte, contre l'injustice, la misère, la condition des femmes dans les pays musulmans, la bêtise et la cruauté des hommes, mais aussi une dénonciation morale et surtout traditionnelle de la religion. 
Le ton est peut-être un peu trop vulgaire parfois, mais le personnage de Jbara est très attachant. Je lirai dès que possible un autre roman de Saphia Azzeddine (celui-ci était son premier).

La Ballade de l'impossible de Haruki Murakami

Dans un avion, une chanson ramène Watanabe à ses souvenirs. Son amour de lycée pour Naoko, hantée comme lui par le suicide de leur ami, Kizuki. Puis sa rencontre avec une jeune fille, Midori, qui combat ses démons en affrontant la vie. Hommage aux amours enfuies, le premier roman culte d'Haruki Murakami fait resurgir la violence et la poésie de l'adolescence.

Œuvre d'une ampleur exceptionnelle, placée sous le parrainage de Salinger et Fitzgerald, La Ballade de l'impossible est le livre qui a révélé Haruki Murakami. Un superbe roman d'apprentissage aux résonances autobiographiques, dans lequel l'auteur fait preuve d'une tendresse, d'un charme poétique et d'une intensité érotique saisissants. Au cours d'un voyage en avion, le narrateur entend une chanson des Beatles : " Norwegian Wood ". Instantanément, il replonge dans le souvenir d'un amour vieux de dix-huit ans. Quand il était lycéen, son meilleur ami, Kizuki, s'est suicidé. Kizuki avait une amie, Naoko. Ils étaient amoureux. Un an après ce suicide, le narrateur retrouve Naoko. Elle est incertaine et angoissée, il l'aime ainsi. Une nuit, elle lui livre son secret, puis disparaît...

Malgré les critiques élogieuses que j'ai pu lire de ce livre, il n'emporte pas ma préférence, eu égard aux autres lus précédemment.

La Délicatesse du Homard de Laure Manel

François, directeur d’un centre équestre en Bretagne, découvre, lors d’une promenade à cheval sur la plage, une jeune femme inconsciente au pied d’un rocher. Plutôt que d’appeler les secours, il décide sans trop savoir pourquoi de la ramener chez lui pour la soigner. À son réveil, l’inconnue paraît en bonne santé, mais peu encline à parler. Elle déclare s’appeler Elsa mais refuse de répondre à tout autre question. Commence alors entre le célibataire endurci et cette âme à vif une étrange cohabitation, où chacun se dévoile peu à peu à l’autre sans pour autant totalement révéler les secrets qui le rongent. Et même si le duo en s’apprivoisant s’apaise, leur carapace peine à se fendre…
Qui est Elsa et quelle vie est-elle en train de fuir ?

J'ai trouvé ce roman très attendu au niveau de l'intrigue et assez mièvre. Ce qui le sauve, c'est son environnement : la Bretagne et ses bienfaits, qui , il me semble sont assez bien rendus. Pour le reste, au fils du récit, on a envie de dire qu'on a compris et cela traine as mal en longueur. Que ce soit dans le malheur (première partie), ou dans le bonheur (seconde partie), c'est "too much".

L'Archipel du Chien de Philippe Claudel

Trois cadavres de jeunes noirs échouent sur la plage d'une île paisible de l'Archipel du Chien ; une petite île de pêcheurs et d'agriculteurs peuplée d'une poignée d'individus qui se connaissent tous. Révéler la présence de ces malheureux migrants risquerait de compromettre un projet d'hôtel thermal censé raviver l'économie. Le Maire et le Docteur décident d'escamoter les corps. Il y a ceux qui acceptent de se taire et ceux qui s'insurgent. Ceux qui ont une conscience, et ceux qui en ont peu, voire pas du tout... Pendant ce temps, une odeur, à peine perceptible d'abord, puis de plus en plus prégnante, envahit l'île...


Il n'y a pas à tergiverser : la plume de Philippe Claudel est toujours aussi puissante, enivrante, poétique, sombre et moralisatrice. Ce nouveau titre ne fait pas exception aux autres publications de l'auteur ! Il est bien écrit et touche à l'âme humaine à travers un conte aussi noir que réaliste. Cette fois-ci, on se penche sur le cas des migrants qui cherchent à fuir leur pays à cause de la guerre ou des conditions déplorables. Ils cherchent un avenir meilleur en tentant le tout pour le tout dans une traversée dangereuse…

Bakhita de Véronique Olmi

Elle a été enlevée à sept ans dans son village du Darfour et a connu toutes les horreurs et les souffrances de l’esclavage. Rachetée à l’adolescence par le consul d’Italie, elle découvre un pays d’inégalités, de pauvreté et d’exclusion.
Affranchie à la suite d’un procès retentissant à Venise, elle entre dans les ordres et traverse le tumulte des deux guerres mondiales et du fascisme en vouant sa vie aux enfants pauvres.

Bakhita est le roman bouleversant de cette femme exceptionnelle qui fut tour à tour captive, domestique, religieuse et sainte.
Avec une rare puissance d’évocation, Véronique Olmi en restitue le destin, les combats incroyables, la force et la grandeur d’âme dont la source cachée puise au souvenir de sa petite enfance avant qu’elle soit razziée.

Lauréate du Premier Grand Prix des Blogueurs Littéraires (2017), Bakhita est une biographie romancée d'une jeune esclave soudanaise arrachée aux siens à l'âge de sept ans, vendue de nombreuses fois, torturée, qui deviendra grâce à une rencontre salvatrice Sainte Joséphine Bakhita. le récit du destin hors norme de cette femme courageuse, à l'enfance saccagée par la cruauté des hommes, livrée au plaisir des uns, maltraitée, déracinée, choque, interpelle, fascine. C'est douloureux d'autant plus que l'actualité affiche, encore aujourd'hui, la soumission d'êtres humains –migrants ou non – réduits à l'esclavage, victimes de barbaries sans nom.

Le style de l'auteur nous emporte, donnant vie à Bakhita dont on entend la voix, dont on pleure les chagrins. Cette petite mère noire, « Madre Moretta », méritait amplement ces lignes dont je recommande vivement la lecture. 

Chroniques de l'oiseau à ressort de Haruki Murakami

Un beau jour, la vie de Toru Okada, jeune banlieusard sans emploi, bascule pour de bon. Tout commence avec les coups de téléphone équivoques d'une mystérieuse inconnue ; puis le chat, qui s'échappe ; et le chant hypnotisant d'un oiseau perché non loin de là.
Le rêve, l'aventure, la bifurcation soudaine d'une existence toute tracée : est-on prêt, une fois dans sa vie, à tenter l'abordage des frontières inédites ?

Je suis toujours intriguée par la lecture des romans de Haruki Murakami et celle des « Chroniques de l'oiseau à ressort » ne fait pas exception. 

Toru Okada décide de démissionner d'un travail qui ne l'intéresse plus. Il fait les course, cherche son chat qui a disparu, attend sa femme pour diner. Bref, il mène une petite vie bien normale, presque banale. le tout entrecoupé de référence à des morceaux de jazz, de musique classique, de romans, bref d'un tas de référents culturels qui permettent de croire à cet univers, de se laisser glisser rapidement dans la peau du personnage principal. Puis, le mystère commence à apparaître, prendre racine subrepticement. Okada reçoit des appels anonymes. La recherche de son chat le met en relation avec une voisine étrange, May Kashara, avec une voyante énigmatique, Malta Kano, et la soeur de celle-ci, Creta Kano (qui, elle-même, a déjà connu le beau-frère de Okada, Noburu Wataya) puis enfin quelques distants parents qui ont séjourné en Mandchourie. Chacun a un passé, une histoire, qui semble se rattacher à un puzzle beaucoup plus grand que quiconque aurait pu imaginer. Tellement grand que, en tant que lecteur, on finit par se perdre. Rendu à ce point, c'est non seulement le chat mais l'épouse de Okada qui a disparu. En effet, Kumiko s'est enfuie sans laisser de trace, à part une lettre envoyée trois mois plus tard.
Finalement, du mystère on bascule tout bonnement dans un autre univers. Et c'est là que j'ai décroché. Quand Okada commence à entretenir une sorte d'amitié avec Muscade et Canelle puis à recevoir les visites de Ushikawa, l'homme à tout faire de Noburu Wataya. Ça a été trop pour moi. Chaque fois, l'auteur Murakami franchit cette fine ligne entre le réalisme magique et le fantastique. Dans ce genre d'univers si particulier, je suppose qu'il faut se laisser aller, y croire sans trop poser de questions. Dans tous les cas, je suis parvenu à me rendre jusqu'à la dernière page et je dépose le livre avec un léger gout amer. Mais, je dois me rendre à l'évidence : il s'en dégage un je-ne-sais-quoi qui m'attire car immanquablement je vais me procurer le suivant.

La petite barbare d'Astrid Manfredi

En détention on l'appelle la Barbare ; elle a vingt ans et a grandi dans l'abattoir bétonné de la banlieue. L'irréparable, elle l'a commis en détournant les yeux . Elle est belle, elle aime les talons aiguilles et les robes qui brillent, les shots de vodka et les livres pour échapper à l'ennui. Avant, les hommes tombaient
comme des mouches et elle avait de l'argent facile. En prison, elle écrit le parcours d'exclusion et sa rage de survivre, et tente un pas de côté. Comment s'émanciper de la violence sans horizon qui l'a menée jusqu'ici ? Peut-elle rêver d'autres rencontres ? Et si la littérature pouvait encore restaurer la dignité ? Subversive et sulfureuse, amorale et crue, La Barbare est un bâton de dynamite rentré dans la peau d'une société du néant.

En lisant ce livre, une question me venait sans cesse en tête. Mais où l'auteure a-t-elle pu trouver le personnage de la petite barbare. Est-ce possible?

Les faits sont tirés d'un meurtre qui a été commis il y a une dizaine d'années auquel a participé la jeune fille.
Astrid Manfredi construit très bien le personnage à partir de son enfance morne, pauvre , sans modèle d'éducation , sans joie, dans une tour de béton.
A partir de la petite adolescence, elle n'a qu'une chose en tête, avoir de l'argent. Elle se prostitue et c'est l'escalade avec son comparse jusqu'au meurtre.
Elle passe derrière les barreaux et a une relation sordide avec le directeur de la prison.
Elle retrouve la liberté mais a-t-elle une chance de se construire ?
L'écriture de l'auteure est à la mesure du personnage : très crue bien qu'imagée et bien tournée : un style très particulier qui rentre bien dans l'oreille mais fait très froid dans le dos. 


 La petite barbare, c'est le choc avec un autre monde qu'Astrid Manfredi va traduire en donnant à son personnage une voix d'une étonnante séduction qui nous scotche pour nous raconter le pire, le sordide. (23/08/2015 08:50 CEST | Actualisé 05/10/2016 16:02 CEST)

Chanson douce de Leïla Slimani

Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame.
À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c'est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l'amour et de l'éducation, des rapports de domination et d'argent, des préjugés de classe ou de culture.

 Je reconnais à Leïla Slimane un vrai talent littéraire : le livre est bien écrit et remarquablement construit, méritant ainsi certainement la récompense reçue. Mais en débutant l'histoire par le dénouement final, je m'attendais à plus d'intrigue. Et même si Leïla Slimani nous distille ça et là des éléments de la vie de Louise qui nous font comprendre son malaise et son instabilité, il manque néanmoins des pièces au puzzle pour comprendre ce passage à l'acte effroyable. Je partage par contre, sa vision de notre société actuelle qui nous invite à la réflexion...

J'abadonne de Philippe Claudel

« D'un signe, mon collègue me fait comprendre qu'il est encore trop tôt, qu'il vaut mieux attendre encore si nous voulons avoir une chance. Les hyènes que nous sommes ne sont jamais pressées. Elles tournent des heures autour de leur proie en attendant qu'elle faiblisse et se couche. C'est pourquoi nous ne présentons notre demande que lorsque le client est allé au bout, tout au bout de son chemin. C'est quand il est bien tendre, comme dit mon collègue, qu'il faut bondir et le dépecer. Et nous bondissons. Mais aujourd'hui, je ne veux plus bondir. »

 Atmosphère obscure, lourde et violente. Violence de l'écriture de Philippe Claudel, mais surtout violence de son personnage, contre le destin, contre la société, contre son entourage, contre sa vie... contre lui-même. Il doit abandonner, s'abandonner, mais le peut-il vraiment ? Il n'est pas seul et c'est au final l'amour qui le sauve. L'amour de sa fille, pour sa fille, qui seul peut lui donner cet élan vital.

Un instant d'abandon de Philippe Besson

"Avec ce livre, «Un instant d'abandon», j'ai voulu dessiner le portrait d'un homme qui revient sur le lieu de son bannissement et qui décide d'affronter l'opprobre, l'hostilité. Cinq ans plus tôt, Thomas Sheppard est parti en mer, au plus fort d'une tempête, dans la Cornouaille britannique, en compagnie de son fils de huit ans et il est revenu à terre sans l'enfant. Il a désormais acquitté sa peine de prison mais s'est-il pour autant débarrassé du poids de la faute ? Pour tout le monde, il demeure le père infanticide mais il convient peut-être de se méfier des apparences. Je crois depuis longtemps que nul n'est un saint absolu ou un parfait salaud. Je crois aussi qu'il nous faut interroger avec lucidité la part sombre de nous-même. Et c'est précisément ce que le narrateur va faire, au fil de ses aveux. Il pourra ainsi se délester de son secret comme on se débarrasse de ses oripeaux. Et expliquer la véritable raison de son retour. " 

Un livre vite avalé et vite oublié. Je l'ai tout de même lu avec un certain entrain pour connaitre le dénouement, mais je ne me suis pas du tout attaché au personnage principale, il m'a suscité aucune d'empathie... peut-être même de l’antipathie.

Fille de l'air de Fiona Kidman

Surnommée la « Garbo des airs », Jean Batten était une aviatrice mondialement célèbre dans les années 1930. Née en 1909, l’'enfant de Rotorua – petite ville au nord de la Nouvelle-Zélande – battit plusieurs records, notamment entre l'’Angleterre et l’Australie, qu'’elle rejoignit en quatorze jours et vingt-deux heures dans son petit avion de tourisme, un Gipsy Moth.
Dans ce nouveau roman, Fiona Kidman se penche sur le destin de cette « fille de l'’air » à qui tout sourit, mais qui pourtant cessa de voler dès 1939 et mourut solitaire en 1982. Douée et gracieuse, la gamine que les cartes passionnent, qui apprend à communiquer en morse en observant son frère et qui, sur sa balançoire, veut encore s’'envoler plus haut, part bientôt en Angleterre sous le prétexte d’'étudier… la musique et de devenir pianiste de concert. Elle y suit en réalité, avec la complicité de sa mère, des leçons de pilotage. Son talent, sa détermination, font le reste : plusieurs pilotes de renom, fascinés, financent ses premiers vols. La gloire, pourtant, est de courte durée : quatre années haletantes, que l’écrivain met en scène sans rien cacher des péripéties – une succession de records, mais également deux crashs, dont un dans le désert irakien –, des déboires sentimentaux et des doutes de son héroïne.
Toute la force de ce portrait tient dans la perspicacité avec laquelle Fiona Kidman lève le voile sur la personnalité complexe de cette femme téméraire, qui ne semblait exister pleinement que dans les airs.
 
Un livre agréable et haletant

Vernon Subutex de Virginie Despentes













QUI EST VERNON SUBUTEX ?

Une légende urbaine.

Un ange déchu.

Un disparu qui ne cesse de ressurgir.

Le détenteur d’un secret.

Le dernier témoin d’un monde disparu.

L’ultime visage de notre comédie inhumaine.

Notre fantôme à tous.

 A travers la dérive parisienne d'un antihéros mélancolique et désabusé, la romancière dresse une âpre radioscopie de la société contemporaine.
La maîtrise avec laquelle Virginie Despentes orchestre cette polyphonie impressionne, autant que la justesse de son regard engagé et l'énergie folle qu'elle déploie pour faire entendre le malaise général qui étreint le vaste échantillon d'humanité peuplant ces pages disparu. Et le tableau qu’avec ces voix elle peint est le portrait, désespérant et plus vrai que nature, d’une société creusée d’abîmes toujours plus profonds — entre les classes sociales, les appartenances culturelles ou religieuses. Une société littéralement disloquée, pulvérisée par les haines, dans laquelle, diagnostique un des personnages, « personne ne peut saquer personne. On n’a pas envie de vivre ensemble. Ce n’est pas vrai que les cultures se mélangent. […] Ce que tout le monde cherche, au final, c’est l’entre-soi. N’avoir à se coltiner que des gens qui te ressemblent. Pas d’étrangers. Et le ciment le plus facile à trouver pour souder un groupe restera toujours l’ennemi commun ». Le faible, le marginal, l’impur. L’autre. Le constat est d’une âpreté inouïe, dans laquelle pourtant ne se dissout pas l’humanisme tenace et rageur qu’on sent pulser dans chaque page, chaque phrase de Despentes – et qui évoque cette qualité qu’Henry James enviait aux romans de Balzac : une incroyable et palpitante « quantité de vie ».

 .

La promesse de l'aube de Romain Gary

- Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D'Annunzio, Ambassadeur de France – tous ces voyous ne savent pas qui tu es !
Je crois que jamais un fils n'a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là.
Mais, alors que j'essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu'elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l'Armée de l'Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j'entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports :
- Alors, tu as honte de ta vieille mère ?

J'aime les autobiographies pour le côté réel des choses, même si l'on sait qu'elles peuvent être édulcorées pour embellir la réalité, ce qui doit être le cas dans ce livre car on ne peut pas dire que Romain Gary soit étouffé par sa modestie... J'ai même pensé arrêter la lecture; certains passages sont un peu long. Il n'empêche que cette histoire est incroyable et méritait d'être racontée. L'amour de cette mère, que certain on pu trouvé étouffant, prend tout son sens à la fin du récit.

La legèreté de Catherine Meurisse

Dessinatrice à Charlie Hebdo depuis plus de dix ans, Catherine Meurisse a vécu le 7 janvier 2015 comme une tragédie personnelle, dans laquelle elle a perdu des amis, des mentors, le goût de dessiner, la légèreté.

Après la violence des faits, une nécessité lui est apparue : s'extirper du chaos et de l'aridité intellectuelle et esthétique qui ont suivi en cherchant leur opposé – la beauté.

Afin de trouver l'apaisement, elle consigne les moments d'émotion vécus après l'attentat sur le chemin de l'océan, du Louvre ou de la Villa Médicis, à Rome, entre autres lieux de renaissance.




Catherine Meurisse aurait du être avec ces amis de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, mais elle est arrivée en retard. Ce roman graphique, montre l'effondrement, la colère, la culpabilité. Puis comme pour chasser l'impensable, Catherine Meurisse va se relever, en prenant de la distance pour se raccrocher, de ce que ces monstres ne pourront jamais nous ôter, notre soif de culture et par la même une forme de légèreté. Reprendre goût aux choses en s'éloignant, apprécier un lieu, un tableau, un moment de silence et de solitude, autant de manières pour mettre à terre la violence, pour sécher les larmes, pour montrer que quoiqu'il advienne la beauté tire toujours vers le haut. Son album est bouleversant, une victoire si infime soit elle sur la barbarie. « La légèreté » de Catherine Meurisse est tout simplement magnifique, indispensable. 

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l'écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre.

Aujourd'hui je sais aussi qu'elle illustre, comme tant d'autres familles, le pouvoir de destruction du verbe, et celui du silence.

 Après le suicide de sa mère, l'auteure entame un long travail de recherche et déterre le passe douloureux de sa famille. Elle revient sur son enfance au sein d'une famille nombreuse et sur sa vie de femme bipolaire, sur sa descente aux enfers et sa lutte pour s'en sortir. Dans la première partie du roman, on part à la rencontre de Lucile et de sa famille un peu hors du commun. La famille Poirier est haute en couleur et profite de la vie malgré ses faibles moyens. Liane et Georges, les parents, sont de bons vivants et font tout pour rendre leurs 7 enfants heureux. Chacun des frères et sœurs possède son propre caractère, et Lucile est une enfant assez docile et responsable. Au fil des années, Lucile va voler de ses propres ailes et petit à petit, perdre pied.
Delphine de Vigan exprime ici combien il est difficile de vivre avec une personne psychotique. Après sa naissance, sa mère devient vite victime de gros épisodes de folie, qui la conduiront à plusieurs reprises à l'hôpital Sainte- Anne et à de nombreux traitements difficiles. le portrait que fait Delphine de sa mère est tantôt tendre, tantôt très dur. Elle ne mâche pas ses mots, mais elle a une plume exquise, capable de nous transmettre tous les sentiments qu'elle a pu éprouver. Il est assez difficile de parler de ce livre tant il est poignant. L'auteur plonge au cœur de son passé, n'épargnant rien, sortant parfois des évènements très personnels, elle se met à nu. Le récit est souvent ponctué de quelques chapitres décrivant son parcours, ce qui l'a conduite à se lancer dans l'écriture de ce livre, les obstacles auxquels elle s'est heurtée, et les réactions de sa famille face à son projet. Rien ne s'oppose à la nuit nous permet aussi de comprendre les romans précédents de Delphine de Vigan, puisqu'elle nous apporte des précisions au fil des pages. On sent que Lucile a eu un impact très fort sur la vie de ses filles. Les dernières pages du roman, décrivant le moment où Delphine trouve sa mère sans vie dans son appartement sont extrêmement fortes en émotions (j'ai d'ailleurs beaucoup pleuré, chose qui ne m'était pas arrivée depuis très longtemps à la lecture d'un roman). Rien ne s'oppose à la nuit est incontestablement un de ces livres qui nous marquent et qui nous laissent une trace indélébile.